L’arrêt Sunshine : 1ère application du décret du 6 février 2007

Dans un arrêt Sunshine du 16 janvier 2008, la Cour d’appel de Paris a appliqué le décret du 6 février 2007 concernant les noms de domaine nationaux (.fr et extension d’Outre Mer). La Cour considère que le décret est applicable, depuis son entrée en vigueur, à tous les noms de domaine déjà réservés.

La Cour se base sur une disposition du décret codifiée à l’article R20-44-45 du Code des Postes et des Communications Electroniques. Cet article décrit qu’« un nom identique ou susceptible d’être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle (…) ne peut être choisi pour nom de domaine, sauf si le demandeur a un droit ou un intérêt légitime à faire valoir sur ce nom et agit de bonne foi ».

En l’espèce, la SNC Sunshine avait déposé la marque Sunshine en 2001 auprès de l’INPI pour désigner des vêtements. En 2005, un particulier a réservé le nom de domaine « sunshine.fr » pour désigner un site dédié à la photographie. Ensuite, le particulier a enregistré sa SARL au registre du commerce et des sociétés sous le nom Sunshine productions. La SNC Sunshine a demandé au juge le transfert du nom de domaine « sunshine.fr » à son profit.

La Cour d’appel a décidé le transfert du nom de domaine au profit de la SNC Sunshine en se basant sur l’article R20-44-45 du Code des Postes et des Communications Electroniques. Cet article interdit la réservation d’un nom de domaine correspondant à un droit de propriété intellectuelle et donc à une marque si le réservataire n’a aucun droit ni intérêt légitime sur le nom. En l’espèce, le nom de domaine était bien identique à la marque. La Cour a considéré que le particulier n’avait pas de droit sur le nom car il n’avait pas réservé le nom de domaine pour le compte de sa société, la SARL « Sunshine productions », mais en son nom propre.

La Cour a donc pu ordonner le transfert alors même que la marque et le nom de domaine n’avaient pas la même spécialité. En effet, la marque était déposée pour désigner des vêtements et le nom de domaine pour exploiter un site dédié à la photographie. Il est important de souligner qu’une marque est soumise au principe de spécialité qui implique qu’elle est protégée seulement pour les produits indiqués dans le dépôt. En principe, le propriétaire d’une marque ne peut agir qu’à l’encontre d’un nom de domaine qui serait exploité pour désigner des produits et/ou des services similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée. Cette décision peut donc être critiquée sur ce fondement. Cependant l’article R20-44-45 ne faisant pas allusion au principe de spécialité, la Cour a pu ordonner le transfert du nom de domaine.

Cet article est beaucoup critiqué par les auteurs en droit qui considèrent qu’il ne faut pas en déduire que le principe de spécialité de la marque est supprimé dans les conflits avec les noms de domaine. En effet, l’article parle des droits de propriété intellectuelle en général qui ne sont pas tous soumis au principe de spécialité, il s’agirait donc d’un article général à interpréter en fonction du droit concerné. La Cour de Cassation ne s’étant pas encore prononcé sur ce point, nous ne pouvons pas savoir si elle confirmerait cette décision ou non.

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Journaliste de formation, j'occupe actuellement la fonction de rédacteur au sein du réseau des sites Internet de services aux entreprises du groupe Libbre. Je peux justifier d'une expérience de six ans dans la presse quotidienne angevine au sein de trois quotidiens : la Nouvelle République, Ouest-France puis le journal majoritaire en Maine-et-Loire : le Courrier de l'Ouest (2007-2009).

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